Le langage des droits humains[1] est-il le plus adapté pour penser l’interrelation des différents éléments composant le Monde ? Si la réponse à cette question est délicate et appelle des réflexions théoriques approfondies sur lesquelles se penchent aujourd’hui bien des auteur.es, la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (« la Cour ») peut apporter quelques éléments de réponse. Fondée sur une conception sociale des droits humains[2], le système interaméricain ouvre la voie non seulement vers une reconnaissance d’un sujet de droit collectif, mais aussi vers un humanisme juridique d’un genre nouveau[3]. L’affaire Comunidades Indígenas Miembros de la Asociación Lhaka Honhat (Nuestra Tierra) c. Argentine[4] en est la parfaite illustration.
Dans cette affaire, la Cour condamne l’État sur les fondements des articles 21 et 26 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme (« Convention » ou « CADH »), protégeant respectivement « le droit à la propriété privée » ainsi que le « développement progressif » des « droits économiques, sociaux et culturels », suite à lecture collective de ces deux dispositions. S’agissant de l’article 21, tout d’abord, elle reconnait que le droit à la propriété ancestrale de de plusieurs populations autochtones – envisagées comme groupes méritant respect – a été méconnu. Elle ne fait de ce point de vue que réitérer son positionnement habituel et des principes déjà bien établis, sur lesquels nous ne reviendrons pas ici dans le détail[5]. Ces observations insisteront en revanche sur la violation de l’article 26 de la Convention, la Cour se livrant à une lecture combinée du droit à un environnement sain avec le droit à une alimentation adéquate, le droit à l’eau et le droit de participer à la vie culturelle en raison du manque d’efficacité de l’action de l’Argentine pour prévenir de telles atteintes.
Cette affaire concerne une requête déposée par plusieurs communautés autochtones réunies dans l’Association Lhaka Honhat devant le système interaméricain de protection des droits humain. Cette association, spécialement créée en vue de porter les revendications de communautés autochtones confrontées aux mêmes violations de leurs droits, représente en réalité cent-trente-deux d’entre elles appartenant à différents peuples : les Wichí (Mataco), les Iyjwaja (Chorote), les Komlek (Toba), les Niwackle (Chulupí) et les Tapy’y (Tapiete) qui vivent sur des terres représentant, en tout, une superficie de près de 643 000 hectares au sein du Département Rivadavia de la Province de Salta en Argentine. Ces terres appartenaient officiellement à l’État jusqu’en 2014 mais ces populations, elles, y résidaient de manière constante depuis des siècles et donc bien avant que l’Argentine ne se soit constituée sous la forme d’un État. Or, dans la zone concernée, des colons non autochtones (essentiellement des éleveurs) – appelées dans l’affaire les « créoles » ou la « population créole » – se sont installés sur ces mêmes terres au début du XXe siècle, le gouvernement les leur ayant mis à disposition.
Les communautés autochtones font alors remonter des revendications de propriété sur cette terre en 1991 et obtiennent de la part de l’État que la Province de Salta unifie les lots et leur alloue une partie de la propriété en tant que propriété commune, avec un titre unique valant acte de propriété communautaire, par opposition aux actes individuels. Il s’ensuit un long processus de négociation entre la Province de la Salta, les populations dites créoles et les peuples autochtones, ces derniers revoyant assez largement leurs prétentions à la baisse. Il aboutit à l’adoption d’un décret en 2014 (décret 1498/14), par lequel la Province de Salta reconnait la propriété partagée du territoire entre soixante-et-onze communautés autochtones et les familles créoles. Néanmoins, l’État n’avait toujours pas fourni, au jour de la décision de la Cour, de titre de propriété à toutes les communautés qui forment l’Association Lhaka Honhat.
S’agissant des faits qui nous intéressent, la Cour constate tout d’abord l’existence sur les lots en question de plusieurs activités développées par les « familles créoles », dommageables aux droits à un environnement sain, à une alimentation adéquate, à l’eau et de participer à la vie culturelle, à commencer par l’élevage de bétail bovin (« ganado mayor »), et ce sur leur territoire ancestral. La Cour relève trois activités en particulier : l’élevage en tant que tel et donc la présence du bétail sur leur territoire ; la déforestation engendrée par une coupe massive et disproportionnée de bois et la pose de clôtures sur ce même territoire.
Concernant tout d’abord l’introduction du bétail, la Cour note qu’avant 1860 les communautés basaient leur économie sur la chasse-pêche-cueillette, avec un peu d’agriculture, mais très à la marge, et surtout non sédentaire, puisque ces populations sont nomades[6]. Elles utilisaient aussi du bétail mais uniquement des chevaux et moutons, qui sont des espèces locales. À partir de 1860, les « familles créoles » ont introduit du plus gros bétail pour l’élever, ce qui a eu pour conséquence une destruction de la flore locale mais aussi en partie de la faune, la Cour citant l’exemple des butineuses herbacées[7]. Une énorme perte en biodiversité en a découlé, ce que reconnait d’ailleurs l’Argentine[8]. La Cour insiste aussi sur l’impact qu’a pu avoir cette activité d’élevage sur l’identité alimentaire de ces populations, dans la mesure où elles n’ont plus eu la possibilité de se nourrir de manière traditionnelle, le bétail des « familles créoles » dévorant aussi la nourriture de celui des peuples autochtones, venant lui aussi à s’éteindre[9]. Or la viande de mouton est à la base de l’alimentation de ces populations et la Cour souligne leur importance d’un point de vue culturel (avec l’existence d’une « fête du mouton ») ainsi que dans le cadre de l’exercice de la médecine traditionnelle[10]. Elle insiste enfin sur les répercussions que ces activités ont pu avoir sur leur accès à l’eau en raison à la fois de la désertification, de la forte consommation en eau et de la pollution de l’eau que ces élevages ont engendrés[11].
S’agissant de la déforestation, ensuite, la Cour constate que les familles créoles se sont livrées à une surexploitation des ressources naturelles depuis leur implantation sur ces terres, en particulier du bois, en vue d’alimenter des usines à charbon et l’industrie du bois d’une manière plus générale[12]. Là encore, la Cour constate que ces faits ne sont pas contestés et sont donc réputés être reconnus par l’Argentine[13]. Elle insiste ensuite sur la dégradation de la montagne que cela a pu impliquer, avec, de la même façon, une disparition de la flore, des fruits et des abeilles pollinisatrices[14]. La flore se faisant rare, elle est en outre immédiatement dévorée par le bétail des « familles créoles » et ne peut donc pas être utilisée par les peuples autochtones[15]. Enfin, les populations créoles ont installé des clôtures de plusieurs kilomètres de long sur ces parcelles, ce qui a empêché les peuples autochtones de circuler librement, mais aussi d’avoir facilement accès à la montagne et la rivière[16].
C’est pourquoi elle considère que l’Argentine, qui n’est pourtant pas l’auteure directe de ces dommages, doit être reconnue responsable d’une violation de l’article 26 de la Convention (Partie I). Cette disposition est en effet enfreinte du fait de l’atteinte au droit à une alimentation adéquate, à l’eau et de participer à la vie culturelle, lus en relation avec le droit à un environnement sain des peuples en cause (Partie II). Elle confirme alors au contentieux la consécration de ce dernier droit, en tant que droit autonome et directement justiciable devant elle. Mais elle lui octroie aussi une portée très large puisqu’elle semble s’en saisir pour promouvoir un certain courant de pensée philosophique : l’éthique relationnelle (Partie III).
Partie I – La responsabilité de l’Argentine sur le fondement de son obligation de prévention des atteintes aux droits conventionnels
L’effet horizontal de la CADH a été reconnu depuis ses premières affaires. La Cour interaméricaine le fait directement découler de l’article 1er de la Convention selon lequel « les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention », méthodologie dont s’inspirera d’ailleurs la Cour européenne des droits de l’homme[17]. Dès sa première affaire portant sur le fond, la Cour de San José interprète l’article 1.1 de la CADH comme impliquant des obligations d’action à la charge des États. Ces derniers doivent, en vertu de cette disposition, non seulement se tenir à l’écart des « différentes sphères individuelles » auxquelles ils ne doivent pas porter atteinte, mais aussi « ‘garantir’ le libre et plein exercice des droits reconnus dans la Convention à toute personne sous sa juridiction »[18]. Ceci implique qu’ils organisent leur ordre interne de façon à ce qu’il soit capable « d’assurer juridiquement le libre et plein exercice des droits humains »[19]. Ils ont donc le devoir de « prévenir, enquêter et sanctionner toute violation des droits reconnus par la Convention » mais aussi, lorsque cela est possible, de remettre la victime en l’état, ou, à défaut, de lui octroyer des réparations[20]. Lorsqu’elle analyse la violation d’un droit, elle le lit par conséquent et de manière systématique de manière combinée avec cet article, qui, selon elle, « crée des effets erga omnes » et implique un effet horizontal[21].
C’est en vertu de cette jurisprudence traditionnelle qu’elle rappelle l’obligation de prévention des atteintes aux droits conventionnels ainsi que l’obligation de réparation qui incombe à l’Argentine lorsqu’ils ont été violés, même par des particuliers. À partir du moment où cet État avait eu connaissance de violations de droits contenus dans la Conventions, il devait agir[22]. La Cour va donc aussi s’intéresser à l’action de l’État : toute une partie de l’affaire y est consacrée. S’agissant du problème lié aux clôtures, la Cour constate que l’Argentine est en train de s’en saisir mais que rien n’a concrètement été fait. Les membres de la Cour de San José se sont d’ailleurs déplacés sur le territoire en cause, lors d’une visite in situ organisée par elle en 2019[23], et ont clairement constaté qu’elles étaient toujours en place[24].
S’agissant de la déforestation, elle constate que la Province a édicté deux décrets en 1991 qui ont d’une part ordonné la suspension des permis d’exploiter la forêt dont bénéficiaient les populations créoles sur les territoires en question et d’autre part déclaré les parcelles « aires de développement et de récupération environnementale » jusqu’à ce que les titres de propriétés soient établis[25]. En 2014 un nouveau décret a été adopté et restreint l’exploitation des ressources naturelles au strict nécessaire jusqu’à ce que les titres de propriétés soient établis[26]. Parallèlement à l’édiction de ces normes, l’Argentine a mis en place différents mécanismes de contrôle sur place pour éviter la coupe de bois clandestine[27]. Les représentants des victimes estiment cependant que ces contrôles n’ont pas toujours été mis en place et, lorsqu’ils l’ont été, ne se sont pas avérés efficaces, soulignant par ailleurs l’aggravation de la coupe illégale dans la région[28]. La Cour considère cependant que « son caractère clandestin ne permet pas de savoir dans quelle mesure [la coupe illégale] continue de se produire »[29]. Néanmoins, l’État n’ayant pas nié que de tels actes aient été commis, alors même qu’ils ont été dénoncés par les représentants des victimes, ayant engagé plusieurs procédures au niveau national et réclamé des contrôles plus effectifs[30], elle accepte de reconnaitre sa responsabilité[31].
L’Argentine est donc reconnue comme responsable des violations des droits en cause, la Cour insistant par ailleurs sur sa lenteur, le bétail et les clôtures étant toujours en place près de vingt-huit ans après les premières revendications des peuples autochtones[32]. Il en découle une violation du droit à un environnement sain lu de manière combinée avec le droit à une alimentation adéquate, le droit à l’eau et le droit de participer à la vie culturelle, qualifiés d’ « interdépendants »[33] mais surtout envisagés ici de manière autonome vis-à-vis du droit de propriété.
Partie II – Une violation autonome du droit à un environnement sain, à une alimentation adéquate, à l’eau et de participer à la vie culturelle, comme découlant de l’article 26 de la Convention
Comme le constate le juge mexicain Eduardo Ferrer Mac Gregor Poisot, un des principaux apports de cette décision est le fait que la Cour reconnaisse pour la première fois la violation des droits économiques sociaux, culturels et environnementaux (« DESCE »)[34] des peuples autochtones de manière autonome[35]. Si certes ces droits leur ont été reconnus, et ce depuis près de vingt ans, ce n’est que comme découlant de droits civils et politiques, tels que le droit de propriété. Depuis 2017, cependant, la Cour accepte de faire non seulement découler ce type de droits de l’article 26 de la Convention qui protège « le développement progressif des droits économiques, sociaux et culturels », mais aussi de reconnaitre leur autonomie et justiciabilité directe devant elle[36]. Cette solution est ici étendue aux droits des peuples autochtones, bien qu’elle soit encore loin de faire l’unanimité, comme le démontre à l’envie les cinq opinions séparées qui traitent essentiellement de cette question[37] mais aussi son adoption avec la voix prépondérante de la présidente de la Cour[38].
La Cour reprend alors sa nouvelle méthodologie selon laquelle elle doit, pour déceler l’existence de DESCE au travers de l’article 26, se saisir des droits consacrés par la Charte de l’Organisation des États Américains[39] – à laquelle se réfère cette disposition[40] – et, pour déterminer leur contenu, du corpus iuris international pertinent[41]. Cette méthodologie est ici affinée, la Cour rappelant que le texte même de la Charte de l’OEA doit être interprété en conformité avec l’article 29 de la Convention[42], d’où découle une interprétation pro persona[43], ainsi qu’une interprétation nécessairement évolutive des traités protégeant les droits humains[44]. Aussi, « en procédant de la sorte, la Cour se livre à une interprétation qui permet de mettre à jour le sens des droits dérivés de la Charte qui sont reconnus à l’article 26 de la Convention »[45]. Pour ce faire, elle se fonde sur des normes de droit tant international que de droit interne[46], lui permettant de matérialiser l’existence d’un « consensus international »[47] sur lequel elle s’appuie pour consacrer l’existence d’un tel droit.
C’est pourquoi elle accepte de reconnaitre des droits qui ne ressortent pourtant pas expressis verbis de la Charte de l’OEA. C’est le cas du droit à un environnement sain, la Cour confirmant l’interprétation extensive de la Charte à laquelle elle s’était livrée dans opinion OC-23/17 Medio ambiente y derechos humanos. Elle avait en effet considéré que « les articles 30, 31, 33 et 34 de la Charte consacrent une obligation pour les États de réaliser le ‘développement intégré’ de leurs peuples [, concept qui] a été défini par le Secrétariat exécutif au développement intégré de l’OEA (SEDI) comme ‘le nom général donné à une série de politiques qui travaillent ensemble pour promouvoir le développement durable’ [dont l’une des] dimensions […] est précisément la sphère environnementale »[48] et listé tout un ensemble de normes internationales allant en ce sens pour consacrer le droit à un environnement sain[49]. Elle procède en l’espèce exactement de la même façon s’agissant du droit de participer à la vie culturelle, ainsi que du droit à une alimentation « adéquate »[50] qui figurent dans les articles 30, 45 f., 47 et 48 de la Charte d’une part et 34 j. d’autre part, formulés en tant qu’objectifs à atteindre par les États. Constatant néanmoins que différents instruments de l’OEA, du droit international ou encore de certains États les consacrent en tant que véritables « droit »[51], elle n’hésite pas à interpréter ces dispositions au regard de ces différentes normes pour le faire découler en tant que tel de l’article 26.
Elle procède en revanche différemment s’agissant du droit à l’eau dont on ne trouve aucune trace dans la Charte. La Cour mobilise ici ce qu’on nomme en droit européen la « théorie de l’inhérence »[52]. Elle estime en effet que ce droit est nécessairement impliqué par la reconnaissance d’autres reconnus par l’article 26 tels que le droit à un environnement sain, le droit à une alimentation adéquate ou encore le droit à la santé[53]. Ce droit est alors protégé par cette même disposition.
S’agissant du contenu de ces différents droits, la Cour s’en remet essentiellement aux développements du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies dont elle prend acte[54]. Il en ressort une portée large, surtout visible au regard du droit un environnement sain.
Partie III – La reconnaissance d’un droit à un environnement sain à la portée très large
Cette affaire est particulièrement importante au regard du développement du droit à un environnement sain pour essentiellement deux raisons. Tout d’abord parce que c’est la première fois qu’elle reconnait au contentieux la méconnaissance de ce droit qui n’est pas consacré explicitement dans la Convention américaine. La Cour l’avait certes décelé en 2017, mais seulement dans une opinion consultative[55]. La deuxième raison concerne sa portée, potentiellement très large. Elle réaffirme en effet ce qu’elle avait défendu avec force en 2017, à savoir que le droit à un environnement sain, « à la différence d’autres droits, protège les composantes de l’environnement comme les forêts, les fleuves, les mers et autres, en tant qu’intérêts juridiques en soi, y compris en l’absence de certitude ou de preuve concernant le risque d’atteintes aux personnes »[56]. Comme le constate Laurence Burgorgue-Larsen, dans la mesure où la Cour fait découler de ce droit une protection de la Nature et des différents éléments qui la composent en tant que tels, il pourrait s’agir d’une reconnaissance implicite de leur personnalité juridique[57]. Sans peut-être aller jusque-là, dans la mesure où le terme même d’« intérêt » renvoie à une démarche subjective qui, selon Jochen Sohnle, déclasse son objet en chose[58], le fait même que l’intérêt visé ne soit pas économique est un réel progrès. On pourrait alors imaginer d’autres constructions juridiques, telles que leur reconnaissance en tant qu’objets méritant une protection spécifique.
Mais la portée de cette reconnaissance ne s’arrête pas à cet aspect. La Cour ajoute en effet que la large protection dont doit bénéficier le droit à un environnement sain tel qu’il découle de l’article 26 résulte de son « importance pour les autres organismes vivants avec lesquels [l’être humain] partage la planète »[59]. Il semble donc que la Cour fasse la promotion d’une conception de l’environnement, qui, en premier lieu, sort de la perspective anthropocentrique que semblait pourtant appeler la logique de la protection de ce qu’on appelait alors les « droits de l’homme »[60]. Elle accepte aussi, en second lieu, de protéger l’environnement pour sa valeur intrinsèque, ce que préconise l’éthique environnementale, qui, étant fondé sur un dualisme (l’Être humain opposé à la Nature) tend à distinguer humanisme et naturalisme[61]. Mais en insistant sur l’interrelation, non seulement du vivant, mais de tous les éléments naturels entre eux, la Cour interaméricaine semble aller au-delà de cette dernière approche et appeler à une éthique relationnelle élargie « qui se règle sur les relations qu’entretiennent les différentes composantes, humaines et non humaines, d’un milieu de vie »[62].
Sa jurisprudence se situe donc aux antipodes de celle de sa consœur européenne, largement centrée sur la personne humaine, qui s’explique par la perspective libérale et individualiste des droits humains dont fait la promotion mais aussi dans laquelle a été pensée le système conventionnel de protection des droits. Car même si une meilleure prise en compte du contexte qui entoure la personne – que nous appelons d’ailleurs de nos souhaits[63] – peut aboutir à une protection de son environnement et sa potentielle dégradation, seule la personne humaine peut, dans le système actuel, être considérée comme titulaire des droits conventionnellement protégés[64]. Envisager l’Humanité repensée à l’aune de l’éthique relationnelle comme nouveau sujet du droit de la Convention comme le fait ici la Cour interaméricaine nécessiterait un réel changement de paradigme, qui impliquerait un dépassement non seulement de la perspective philosophique des droits humains protégés par la Cour mais aussi des « limites structurelles » auxquelles elle fait face[65].